Tout commence à la réception de ma lettre d’introduction pour le Canada. Mon PVT en poche, c’est le début des grandes manœuvres pour préparer mon départ dans les meilleures conditions. Je solde tout, je m’en vais. Adieu l’appart’, retour chez Papa-Maman quelque temps, je résilie tous mes contrats et j’essaye de ne pas gaspiller avant de partir. Là-bas, je ne vais peut-être pas trouver de boulot tout de suite, peut-être aussi que j’aurai envie de voir du pays, j’en sais rien, je pars et c’est déjà beaucoup. Il y a pas mal de choses à faire avant de partir, de l’administratif, des démarches diverses à entreprendre et tout un tas de documents à réunir. Pour internet, je sais depuis pas mal de temps qu’on peut résilier sans frais, j’en connais la procédure et je suis dans les clous, alors je me lance. J’envoie ma demande avec ma lettre d’intro et tout ce qui va avec. Totale confiance d’abord, totale méfiance ensuite, ça ne se passe pas vraiment comme je l’espérais. On me dit non, et puis tu payes.
Méfiez-vous de la hotline.
Pendant longtemps, Bouygues Telecom a basé sa communication sur sa position de « N°1 de la Relation Client. » S’il ne s’agit pas d’une auto-proclamation, mais le résultat d’une véritable étude ou enquête, j’aurais apprécié en connaître les détails et surtout les critères.
La hotline, c’est le truc qu’on a parce qu’on est bien obligé, et c’est plutôt casse-gueule pour les grosses entreprises et les institutions publiques (voyez plutôt le 3949 de Pôle Emploi). On parle à des gens en direct, des vrais, et comme moi, ils sont faillibles. Leur voix peut les trahir quand ils n’ont pas les infos, et il leur arrive de raconter n’importe quoi, c’est même un travail à temps plein: vous induire en erreur, se tromper, vous mentir, vous dire oui parce que c’est ce que vous voulez entendre etc… Le tout, évidemment, sans réelle traçabilité.
J’ai contacté deux fois la hotline de BT. La première lorsque j’ai constaté que les frais de résiliation m’avaient été prélevés. On m’indique alors que tous mes documents envoyés sont valables, qu’il n’y a pas d’annotation à mon dossier, et que me situation sera régularisée sous peu, avec remboursement des frais indument perçus. La seconde après l’envoi de nouveaux documents d’attestation de mon départ, pour une réponse similaire au premier appel: « Ne vous inquiétez pas, nous faisons le nécessaire. »
En fait non.
Un dialogue de sourds.
Dans un courrier, puisqu’ils doivent toujours répondre dans ce type de situation (au moins pour la demande initiale), BT m’informe que, pour bénéficier d’une résiliation sans frais, je dois leur transmettre « la lettre d’acceptation de l’établissement situé à l’étranger ou mon contrat Erasmus pour nouvelle étude », et préciser la date à laquelle j’ai eu connaissance de mon départ. Demande sans fondement. On m’accorde aussi un délai de réflexion pour revenir sur ma décision (de résilier).
Une semaine plus tard, je suis prélevé avant la prise d’effet de ma résiliation, et avant le terme du délai de réflexion (que je n’avais pas sollicité, mais bon). Il est clair que j’aurais dû révoquer l’autorisation de prélèvement à ma banque. Bien naïf, ou comme on dit trop bon, trop con.
Cerise sur le gâteau, je reçois une nouvelle lettre m’informant qu’une facture est disponible dans mon espace client, or, la résiliation de mon contrat étant alors effective, je n’ai plus accès à cet espace. En un mot: bravo!
Je réponds à cette belle mascarade, en renvoyant de nouvelles pièces attestant de mon départ pour le Canada (même si je n’en avais aucune obligation, mais après tout, si l’on peut s’éviter des procédures), et cette correspondance reste lettre morte. Toutefois, afin d’épuiser tous les moyens de recours mis à ma disposition par Bouygues Telecom, je contacte leur assistance.
Woobees: une vaste fumisterie.
Déjà, qu’est-ce que Woobees? C’est le forum d’assistance Bouygues Telecom où des conseillers de clientèle répondent à vos questions. Entre nous, il n’offre que peu de valeur ajoutée à la hotline, tant leurs réponses peuvent paraître surprenantes. Mais ça, au départ on ne le sait pas. Pour vous, c’est une occasion d’avoir une preuve écrite supplémentaire dans l’éventualité d’un litige, ce qui n’est déjà pas mal.
Donc, afin de démêler l’imbroglio dans lequel je me trouvais, j’ai posé la question: « Qu’est-ce qui justifie que je ne puisse bénéficier d’une résiliation sans frais lorsque je réponds à toutes les conditions? »
Il faut d’abord savoir que, lorsque vous postez une question sur Woobees, si la réponse qu’elle suscite est d’ordre général et vaut pour tous les utilisateurs, ils répondent directement sur le forum. Dans le cas contraire, ils communiquent avec vous sur votre boîte courriel: « pour des questions de confidentialité », comme on les comprend. Moi, j’ai eu droit à mon petit échange privé. Avec Vanessa dans un premier temps, puis avec Stéphanie.
- Avec Vanessa.
Nous sommes partis du mauvais pied quand je lui ai demandé si elle bossait effectivement pour BT, après qu’elle m’ait dit que les offres Bbox étaient sans engagement, alors que je lui parlait de CGV et de résiliation sans frais. Puis, elle me demande si j’ai transmis un justificatif de départ à l’étranger, et si je pars dans le cadre personnel ou professionnel. ça n’a aucune espèce d’incidence pour ce type de résiliation et je lui rappelle l’historique des échanges courriers et hotline, ainsi que la liste des justificatifs (IMM5665 et CGV). Là, un grand moment de gestion de dossiers: « Avec le numéro de fixe que vous m’indiquez je n’ai pas de visibilité. Merci de me donner le nom et prénom du titulaire du contrat. » Puis, « Vous n’avez pas eu de frais de résiliation. Avez-vous rapporté vos équipements? » Et encore: « Pouvez-vous me faxer votre relevé de compte car nous n’avons pas de facture visible dans votre dossier et cela nous permettrait de faire des recherches. »
Ô bonheur. Je remarque que les dossiers ne sont pas à jour et que dès l’instant où j’atteste qu’ils m’ont prélevé une somme d’argent (facture et relevé de compte faisant foi: que je ne transmets pas, je n’ai pas l’identité de mon correspondant et il y a visiblement des failles dans leur système), celle-ci doit figurer automatiquement dans leur comptabilité (autorisation de prélèvement). Dans le cas contraire, c’est très grave. J’en informe Vanessa qui, K.O, passe le relais à une collègue.
- Avec Stéphanie.
3 heures après ma dernière conversation avec Vaness’, Stèph attaque tambour battant. Elle a retrouvé mon dossier, probablement avec un clic de souris et abat ses cartes d’un coup: all-in. Ce qui suit, sachez-le, est une demande abusive, en aucun cas vous n’avez à fournir les documents réclamés (la partie où vous êtes hébergé est édifiante).
« Afin de pouvoir annuler ceux -ci (frais de résiliation) voici la liste des documents conformes que vous devez nous faire parvenir :
•copie du bail de location, acte d’achat du domicile, OU
•facture d’eau, d’électricité ou de ligne fixe.
Ces documents doivent avoir moins de 3 mois. Si vous êtes hébergé , nous avons besoin de l’ensemble des documents suivants :
•un justificatif de domicile de l’hébergeant
•une copie de pièce d’identité de l’hébergeant
•une déclaration sur l’honneur d’hébergement,
•une attestation du trésor public ou une copie de contrat de travail ou une attestation de la mairie d’accueil (ou la gendarmerie) ou un certificat de changement de résidence délivré par le consulat du pays d’accueil. »
Du travail d’orfèvre lorsqu’elle répond à ma contestation « Comme indiqué, l’annulation des frais sera faite à réception des documents indiqués. » Houston, t’as un problème, et comme indiqué je ne prends pas la peine de relever la répétition. Pas la peine, Stèph est déjà loin.
Rappelons que tous ces échanges se font sans « bonjour » ni « cordialement », parce que le N°1 de la Relation Client n’intègre pas la politesse. À part Stéphanie, mais elle est moi, c’est une histoire compliquée.
L’ultime recours: le pot de terre contre le pot de fer.
En cas de litige les opérateurs agissent différemment. Certains, c’était le cas de Club Internet repris par T-Mobile au milieu des années 2000, ont (ou avaient) un service juridique dédié entièrement à ça. D’autres ont des accords avec des cabinets d’avocats qui représentent leurs intérêts. J’ai attaqué BT. Notre opérateur a eu recours à des spécialistes de la défense des entreprises dans les contentieux qui les opposent à leurs clients consommateurs: Hadengue et Associés pour ne pas les nommer.
Fort de tous mes précédents échanges, j’ai produit un dossier complet, plutôt confiant.
Quant à eux, dans leurs conclusions, ils ne parlent pas de résiliation sans frais pour motifs légitimes (malgré les CGV), mais de « geste commercial. » Ils arguent d’un refus au motif que je « ne faisais pas l’objet d’une mutation professionnelle, ni d’un programme d’étude Erasmus« , et que mon départ n’était « pas contraint« . Tout le reste n’est que du bla-bla. Donc BT peut, à titre purement commercial et en cas de départ contraint, accéder à une demande de résiliation sans frais (en gras dans le texte). Pour info, il n’existe pas de mutation forcée en droit du travail, mais ces spécialistes en droit social n’en savaient rien. Notion de contrainte inopérante, comme l’intégralité de ces conclusions, puisqu’une transaction à mon bénéfice a été signée. Aveu de culpabilité? Certes, oui.
Il leur aura fallu 9 pages. 9 pages (sans compter les pièces) où ils s’évertuent à démontrer l’absence de faute contractuelle, l’absence d’obligation pour la société de ne pas facturer des frais de résiliation en dépit de motifs légitimes, et l’absence de préjudice. Ils ont finalement plié.
J’ajoute qu’ils réclamaient à ce que je sois condamné aux dépens, et à verser à BT une somme d’argent au titre de l’article 700 CPC. Ils avaient le droit d’en faire la demande. En fait, je crois que BT pensait avoir tous les droits, c’était perdu d’avance.
Crédits photo: MAXPPP.
Ça vous a plu? Soutenez-nous sur Utip! Visionnez une pub pour Expérience Canadienne. Merci 🙂
Landry
19 janvier 2015 at 19:23
C’est regrettable de devoir en arriver jusque là mais du moins ils ont fini par s’incliner.
Patate Chaude
25 mars 2015 at 05:49
Encore un bel exemple de l’hypocrisie de ces entreprises qui misent sur la méconnaissance des règles par leurs clients et les consommateurs, et sur le temps et les moyens qu’il faut mettre en œuvre pour finalement simplement faire valoir ses droits. Il faut sans cesse se battre, je comprends que beaucoup choisissent d’abandonner, c’est regrettable et ces entreprises jouent là dessus.
Helena
1 octobre 2015 at 15:57
J’ai eu le même genre de mésaventure mais avec mon téléphone. Ils ont toujours une bonne raison pour vous prendre de l’argent, mais lorsqu’il faut rembourser il n’y a plus personne, on se croirait en train de traiter avec une assurance. Et quand ils acceptent enfin de rembourser, ça prend des lustres!
Houston MacDougal
2 octobre 2015 at 06:27
C’est malheureusement souvent la cas…
Illidan
18 décembre 2015 at 11:24
Bon, je m’apprête à partir à l’etranger et du coup je vois mieux à quoi m’attendre si jamais ma demande de remboursement déraille. Bouygues bientôt racheté on peut espérer un meilleur SAV? Haha, en période de noël on peut toujours rêver!
Yoan
11 septembre 2016 at 05:51
Finalement le rachat n’a pas eu lieu, mais je remarque une tendance à l’amélioration chez les SAV. Ils t’appellent sans cesse désormais pour savoir si tout se passe bien!
Houston MacDougal
11 septembre 2016 at 10:34
Mais qu’en est-il lorsqu’il faut rembourser une somme indument perçue, ou t’exempter de payer? La question reste ouverte…
Nénesse
4 août 2017 at 12:57
Ce genre d’histoire pourrait s’appliquer très aisément à tous les opérateurs, il n’y a qu’à voir les forums spécialisés, c’est affligeant!
Soraya
23 septembre 2017 at 03:57
Bien d’accord. N’empêche que quand on part ça reste très ennuyeux de devoir se battre pour ces choses là.
Jordan
13 janvier 2018 at 00:29
C’est triste mais c’est tellement banal ce genre de chose…
Maya
8 août 2019 at 21:01
C’est pas une raison pour l’accepter
Ghengis
26 août 2019 at 03:21
Je suis d’accord, faudrait systématiquement porter plainte.
Furax
19 septembre 2019 at 15:17
Clairement, Bouygues ou un autre d’ailleurs