Destination incontournable pour s’imprégner de la nature sauvage canadienne, Algonquin est le plus vaste, le plus ancien (1893) et le plus illustre des parcs provinciaux de l’Ontario. Sa faune et sa flore sont d’une rare richesse, où, sur une superficie de 7700 km² de forêts, de rivières et de milliers de lacs (seule la route 60 traverse le parc), les paysages s’accordent aux superlatifs et à la majesté. Des boniments? Absolument pas. Algonquin, c’est la promesse d’une rencontre idoine entre le désir de liberté, et la nature dans ce qu’elle a de plus grand. Reconnu internationalement par les amateurs de canoë, c’est dans cette petite embarcation que l’expérience du parc est encore la plus forte. Partez plusieurs jours camper au bord de l’eau, vous avez l’assurance d’en revenir avec des souvenirs impérissables. Et si jamais vous êtes du genre à préférer le goudron et les parkings, vous ne serez pas déçu, vous changerez seulement d’avis.
À l’assaut du Parc.
Partir la fleur au fusil n’est pas forcément la meilleure des stratégies. Vous pourriez d’ailleurs faire face à plusieurs déconvenues, c’est pourquoi votre trip en canoë requiert la prise d’un minimum d’informations et de préparation, que vous sachiez un minimum à quoi vous en tenir.
- Canotage et bivouac: les formalités.
La marche à suivre est simple, mais nécessaire. Puisque vous avez l’intention de faire une escapade à la rame et camper aux bords d’un lac, vous devez réserver votre parcours. Plusieurs choix sont possibles, c’est à vous de définir au préalable votre itinéraire et appeler le parc. Une fois rendu, vous devrez vous diriger vers le poste de garde forestier pour payer divers droits, en cash.
D’abord, le droit d’entrée: payable par voiture et par jour. Privilégiez donc un voyage groupé, pour éviter les dépenses superflues.
Ensuite, le droit de camper: dû par personne et par jour.
Vous leur indiquerez également l’endroit où vous comptez établir votre campement. Attention, vous ne pouvez pas planter votre tente n’importe où, et le nombre d’emplacements autour de chaque lacs est limité. Vous le verrez, chaque place est « aménagée », c’est-à-dire qu’on y trouve toilettes sèches (pas toujours cependant), bancs, tables (parfois) et foyer où cuiront vos victuailles. La conséquence de cette limitation est qu’à trop tarder en route, vous risquez de ne pas trouver de site libre, hâtez-vous un minimum. Les aires de campement quant à elles sont facilement identifiables depuis votre canoë, et ce malgré l’épaisse végétation par endroits: de grands panneaux orange fluo, qui dissiperont le moindre doute.
Pour aller plus loin: Parcs Ontario; Algonquin Provincial Park (en).
- Au fil de l’eau, la plupart du temps.
Vous le savez, l’objectif c’est de partir tranquille en canoë, se trouver un coin sympa et de se la couler douce. Ce que vous ne savez pas, c’est que le trajet n’est pas forcément de tout repos. Il peut même s’avérer très sportif. Entre les portages et pagayer contre le vent, vous aurez largement de quoi vous muscler un peu les bras et les épaules. Pour ce faire, il faut voyager léger, on en parle dans l’équipement que vous devez emporter avec vous (voir infra), mais il en va de même pour le matériel c’est-à-dire votre embarcation. Notre conseil: prévoyez un parcours modeste en terme de portage.
Si vous ne disposez pas déjà d’un canoë, il va falloir en louer un. Pour cela, rien de plus facile, sur tous les sites de départ se trouvent des loueurs et plusieurs types de canoë: de différentes tailles, en aluminium, kevlar ou encore carbone. Le calcul est simple, plus c’est lourd, moins c’est cher. Et si les gilets de sauvetage et les pagaies sont compris dans le prix, pensez à louer en plus au moins un baril pour y stocker votre nourriture et la protéger d’éventuelles attaques d’ours affamés (un second pour vos effets personnels fragiles n’est pas du luxe).
N’envisagez même pas le canoë en aluminium. J’ai personnellement poussé mes camarades pour le tenter, je ne serais pas étonné qu’un ou deux m’aient maudit, à raison. Trop lourd, il va vous ralentir et vous épuiser à chaque portage: lorsque vous devrez débarquer tout votre barda pour passer d’un lac à l’autre, et vous balader avec votre rafiot sur les épaules. Le poids est un détail qu’il ne faut pas négliger, et ne serait-ce que sur un portage de 500m, votre équipement, ça pèse!
Les principaux loueurs: The Portage Store; Algonquin Outfitters; Algonquin Bound Outfitters; Opeongo Outfitters.
Ce qu’il faut embarquer dans son canoë.
En voilà un exercice difficile pour la gent féminine: ne prendre que le strict nécessaire en fringues parce que c’est déjà suffisamment difficile de partir sans maquillage. Et pour son pendant avec testostérone: caser un maximum d’alcool sans trop que ça se voit, le premier Couche-Tard est à 300 bornes. On aime les clichés chez Expérience Canadienne, les nanas sont toutes coquettes et ont des problématiques un brin futiles, et les bonhommes sont de gros bourrins tous ivrognes. C’est la vie. En attendant, on préfère rappeler quelques fondamentaux.
- L’équipement.
Sur place, vous pouvez tout louer, mais comme la préparation d’avant départ fait partie intégrante du trip, on a toujours préféré s’équiper un peu par nous-mêmes. Pis bon, ce n’est pas comme s’il n’y avait qu’un seul parc au Canada, votre équipement devrait probablement pouvoir vous resservir. Au registre des indispensables donc, on trouve: tente, duvet, tapis de sol, des pastilles de purification d’eau ou une pompe filtrante, produits d’usage quotidien non polluant (savon, produit vaisselle), appareil photo, maillot de bain, fringues de rechange, lampe torche, pierre à feu, gamelle, de quoi faire la popote et de quoi survivre aux moustiques (les maringouins).
Rayon prestige désormais: tout ce qui peut être jugé superflu (on pense aux jumelles par exemple, loin d’être indispensables quand on a un bon zoom sur son APN), pourvu que vous ayez le courage de vous surcharger. Et là, tout devient possible.
- La nourriture.
Concernant la nourriture liquide, sachez que les bouteilles en verre sont prohibées dans le parc. On oublie le pack de Fin du Monde et d’Eau Bénite, et on privilégie d’autres contenants. Pour ça, on vous fait confiance les yeux fermés.
Pour l’autre nourriture, moins indispensable que la précédente mais quand même, sachez simplement que les boîtes de conserves sont interdites, mais pas les tupperwares. Hormis cela, prévoyez simplement le nécessaire comme si vous alliez au camping traditionnel: de quoi faire des barbecues et des salades. De toute façon, vous allez établir un campement, pas ouvrir une paillote de luxe ni vous essayer à la cuisine gastronomique en pleine nature, faites simple et bon. Si vous sentez que vous risquez d’être un peu juste question nourriture, faites l’appoint avant d’embarquer: là où vous récupérez votre canoë, on vend de tout.
Sur place, il faudra surtout se montrer respectueux des lieux et de son environnement, et ne laisser aucune trace. Brûlez ce qui peut l’être et ramenez vos poubelles, pensez aux autres qui aimeraient découvrir un parc aussi propre que vous.
Le seul mot d’ordre pour votre préparation: prévoyez de voyager léger! C’est un gain de temps sur les portages (pas d’aller-retour intempestif), une navigation plus agréable et un bateau plus maniable.
Une nature sauvage.
Il ne s’agit pas de passer ici en revue toutes les espèces présentes au parc, mais plutôt d’en introduire quelques-unes, histoire de vous présenter ce qu’il vous attend. Ou ce que vous pouvez en espérer. Sur votre route, vous croiserez:
- Des tamias.
En anglais, ce sont les chipmunks, et en québécois, on les appelle les suisses (les quoi?). Ils pullulent comme partout au Canada, vous n’aurez donc aucun mal à en voir. De la même famille que les écureuils, ces petits rongeurs sont facilement identifiables, d’ailleurs, vous connaissez tous Tic et Tac… bah voilà.
- Des canards d’Amérique.
On en parle parce qu’ils ont une singularité, et ce n’est pas celle d’être un oiseau qui se plait à barboter dans l’eau. Après tout, ce sont bien des canards. En réalité, c’est le soir que ça devient flagrant, ces loons ont une espèce de hurlement faisant penser à celui d’un loup (le premier, c’est assez bluffant) et beaucoup d’entre nous font la confusion. Sachant ça, libre à vous de fournir une version plutôt Man vs Wild que Daffy Duck à vos amis, lorsque vous leur raconterez vos nuits dans le parc. Pour nous aucun doute, il s’agissait de hurlements de loup… et puis de toute façon il faisait nuit, rien n’atteste que c’étaient des canards.
- Des ours noirs.
Vous risquez d’en entendre beaucoup à leur propos, et ça sera le sujet de nombreuses plaisanteries entre vous. Mais vous connaissez aussi l’histoire: « celle de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme… » parce que, si nous savons tous qu’ils sont bel et bien là (plusieurs milliers) c’est plutôt rare de les croiser, et donc de les voir. Ferez-vous partie des chanceux?
- Des orignaux.
Paraît-il qu’entre mars et mai à la fonte des neiges, les orignaux foisonnent, car le « printemps » est la période la plus favorable pour eux: ils viennent se requinquer, sans pression. Pour avoir fait le Parc Algonquin fin août/début septembre, nous avons eu la chance d’en voir pas mal et c’est toujours impressionnant d’observer un tel animal dans son habitat naturel. Pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour les trouver, vous les verrez depuis votre canoë puisqu’il sont généralement toujours aux abords des lacs et des rivières.
- Des castors.
Emblème officiel du Canada, vous aurez la possibilité d’observer pour la première fois ce célèbre rongeur autrement que sur une pièce de 5 cents. Enfin, seulement si vous avez beaucoup de chance, cet animal se méfie des touristes campeurs. Au pire, vous vous contenterez de suivre la trace et les stigmates qu’ils laissent derrière leur passage: quelques troncs d’arbre grignotés.
- Des loups.
Pour ces animaux de meutes, il est difficile, voire impossible, d’en apercevoir (200 dans le parc), à moins d’être aguerri, mais on peut les entendre. Il existe même des séances d’appel aux loups organisées et encadrées par des guides (en août chaque mardi soir).
Pour en apprendre plus et aller plus loin: SBAA (en).
Notre expérience du Parc Algonquin.
Nous sommes partis à la fraîche de Montréal, dans un van bondé de fiers campeurs du dimanche, tous très bien équipés. 6 heures de route et un jus noirâtre de Tim Horton dans le ventre plus tard, on se retrouve à Canoe Lake, avec pas franchement la gueule des gars qu’ont envie d’en découdre, ou alors pas tous. « Tu sais comment ça se passe maintenant? – Non, mais ça a l’air sympa… » « Et toi, tu sais où on doit aller? – Chai pas, y’a des gens là-bas… » Passée l’épreuve des formalités et du baril éventré par un ours en exposition plus tard (vous comprendrez quand vous y serez), on répartit les charges dans nos canoës en se demandant si cet amas de matériel ne va pas couler, et nous avec. C’est bon, ça flotte, maintenant, faut pagayer.
Bonne ambiance sur Canoe Lake, nous sommes trois bateaux en pleine naumachie qui confondent une navigation pépère avec Pirates des Caraïbes. Enfin, certains bateaux qui insistent, du coup je me fais engueuler. Vent de face, vent de travers, les éléments choisissent de nous épargner alors on décide de s’ajouter un peu de challenge en se trompant de chemin. On visite, au calme, on en prend déjà plein les yeux. Au premier portage il y a foule, et peu d’aluminium à sortir de l’eau sauf pour nous. Tout le monde commence à comprendre, mais personne ne pipe mot. Le canoë en alu, c’était mon idée. J’ai encore pour moi le bénéfice du doute mais je sais que ça ne tiendra pas. Au second portage nous allons déjà plus en chier, et comme il y en a au moins un troisième… plus long… voire un quatrième. My bad les amis, mais quelle fierté de se dire: « On s’en est sorti quand même! » Non?
Chemin faisant, nous croisons des orignaux qui font trempette au bord de l’eau. Les suisses nous accompagnent à chaque portage, mais aucun d’eux ne nous aide à porter les bateaux. C’est un peu rageant. Du coup, sans avoir eu l’impression d’avoir perdu trop de temps, on s’aperçoit que la journée est déjà bien entamée, et qu’il va falloir rejoindre au plus vite Burnt Island Lake pour y trouver un emplacement. Sous chaque pancarte orange il y a fête, lorsque la lumière du jour décline dangereusement. Après quelques tentatives infructueuses, nous jetons notre dévolu sur une île. Elle est interdite mais nous passons outre, nous manquons de temps et il faut monter le campement avant la nuit. En haut d’une petite falaise on est bien, on s’est construit un petit foyer avec des pierres glanées au fond du lac et on se laisse bercer par le crépitement du feu: pas âme qui campe à moins de plusieurs centaines de mètres d’ici. Posé, on se dit que des bataillons de moustiques gros comme le poing peut bien se ramener on ne bougera pas. On a le meilleur spot de tout le parc.
Le reste n’est que nature, baignades, plongeons, balades en canoë et le soir un ciel vierge de toute pollution lumineuse, juste les étoiles de la Voie lactée. Grandiose.
- Le souvenir ultime.
Difficile d’en choisir un seul, tant ce trip sauvage a été riche. Et pourtant. Il y a bien eu un évènement tout particulier, ça s’est passé le dernier jour alors qu’on rentrait. Nous étions deux à fermer la marche au niveau d’un portage, à calculer comment s’y prendre pour faire le minimum de voyages avec tout notre matos. Soudain, un vacarme assourdissant. On imagine notre ami parti juste devant qui vient de se manger une racine et son canoë dans les dents. Le temps de se retourner pour aller voir, 500 kilos de barbaque nous foncent dessus et bifurquent au dernier moment, une femelle orignal suivie de son petit. On est resté comme ça, pétrifié pendant quelques secondes sans avoir eu le temps d’avoir peur. Il fallait juste qu’on réalise. Puis on s’est regardé avant de se dire, le sourire jusque là: « Putain, c’était génial! »
Crédits photo: Papy Geek; Dave and Deb.
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Lucette
23 juillet 2015 at 11:23
Ahhhh, Houston! Souvenir mémorable, que ce face-à-face avec Maman-bébé orignal! Finalement, ça vaut le coup d’avoir été ralentie par la lourdeur de ces PUTAINS DE CANOES EN ALU!!! Ahahah!
Petite précision toutefois: notre petite île était à Burnt Island Lake, pas Tom Thomson Lake 😉
Houston MacDougal
23 juillet 2015 at 11:39
Bien vu, c’est corrigé! 😉
Manu
2 août 2015 at 01:25
Y’a pas a dire, ça donne franchement envie. Je note, quand on va en Ontario, penser à pousser un peu plus loin dans les terres et dépasser Ottawa, je viens de voir sur une map. Au programme de septembre. On repassera en dire deux mots 😉
Nicole
3 août 2015 at 07:48
Belle aventure Houston qui fait rêver et qui ne manque pas d’humour!
Jody
28 août 2015 at 16:44
Pêche canoë balades feu de camp et plongeons, j’ai adoré malgré les dizaines de bestioles qui m’ont piquées. Fallait s’y attendre, je les attire, je suis l’anti-moustique de mes camarades puisque eux n’ont rien eu du tout, haha 🙂
Jasmine
26 juillet 2016 at 10:00
Oh! Ça c’est quelque chose qui donne envie 🙂
Père Blaise
5 octobre 2017 at 17:25
En Mauricie il y a beaucoup de balades en canoë à faire aussi, mais là bivouaquer plusieurs jours ça rajoute un truc!
Thimothé
2 juin 2018 at 09:26
Je sens qu’une expédition va pas tarder à se monter cet été direction le parc algonquin!! Ça a l’air genre trop bien!
Laurent
29 mars 2019 at 15:40
Même idée été 2019, ce genre de trip est excellent! 🙂
Jaja
5 mai 2019 at 00:42
Vraiment cool comme plan super expérience ça donne envie !
Jordan
6 mai 2019 at 04:32
Moi je l’ai fait et je peux témoigner que c’était génial comme aventure!!! Si je reviens au Canada pour sûr je le refait! 🙂
tictic
4 janvier 2021 at 10:34
ça donne trop envie, c’est tellement un truc à faire ce genre de délire, tu pars à l’aventure quoi!